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Pardon my French

22 avril 2010

Eternal Sunshine of the Spotless Mind

    Alexander Pope, poète anglais du XVIII°, a eu la métaphore heureuse lorsqu'il a écrit ce bout de "Héloïse à Abélard": spotless, littéralement sans tâche, immaculé. Qu'un esprit puisse     être immaculé nécessiterait déjà qu'il soit matérialisé, d'où la beauté de la métaphore. Qu'est-ce qui nous tâche? Ici l'amour, la douleur, mais l'image peut s'étendre. Un esprit est spotless     quand il est pur, de nos jours uniquement chez les enfants.  

 

    Dans le film, la citation de Pope en exergue dans le titre fait toute sa beauté: tiens, se dit-on, de quoi veut-on me parler? Le titre ici fait office de morale. Risquer ou pas, effacer ou pas,     se souvenir ou se revenir? Il y a une circularité vicieuse dans les histoires de coeur, on en revient toujours au même mot, au même défaut, au même grain de beauté. C'est ça "Eternal". Et     pourtant, obviously, il y a le "sunshine", l'éclat, le rayonnement, la radiation irradiante, celle qui ne souffre pas d'explication; elle est dans les cheveux de Kate Winslet qui changent de     couleur comme ceux de Tonks dans Harry Potter. Elle est dans les yeux de Jim Carrey, à contre-emploi.  

 

    Mais surtout, spotless vient de spot: le point, l'attache autant que la tâche: spotless veut signifier ahuri, curieux, sans fixation, dénué de lien, de sens presque. Dénoué.  

 

    Il y a du sacré dans l'ahurissement. Alors que je marchais dans la rue tout à l'heure, en retard pour un rendez-vous, perdue dans des pensées insensées, je me rends compte que le feu pour les     piétons me refuse la traversée d'une de ces rues parisiennes bourgeoises où même les boulangeries vendent le pain au prix du diamant, alors même qu'une seule voiture s'apprête à me passer devant.     Mais elle se met à ralentir et amorce un virage à droite. Spotless et naïve, je contourne l'engin par derrière en pensant me faufiler vite fait bien fait de l'autre côté de ce Styx accidenté.     Mais le monstre recule, ce que je prenais pour un clignotant à droite était le signal d'un créneau, le conducteur voulait en fait se garer. Je regagne le trottoir à peine je me rends compte de     mon erreur, mais l'élégant personnage à l'intérieur de la voiture prend une minute sur son planning certainement chargé pour ouvrir sa fenêtre et me balancer un "Connasse, tu vois pas ce que je     fais? Pute va!"  

 

    Ces temps-ci, il est possible de se faire traiter de tous les noms pour avoir mal interprété une série de signes et de codes dont tous ne possèdent pas la clef. Spotless, keyless. Le monde nous     crit de faire plus attention à lui, autour. Plus de place pour le spotless, ni pour le spot, plus de place pour rien qui ne soit pas rentable d'une quelconque manière. Eternal Sunshine     of the Spotless Mind, ou plutôt Occasional Spotlight of the Spotted Mind. A la place du soleil un spotlight, à la place du poétique spotless un esprit en pointillé.  

 

 

 

    Funny Fact: Alexander Pope faisait 1m22.  

 

   
 

 

   
 

 

   
 

 

    "How happy is the blameless vestal's lot!
    The world forgetting, by the world forgot.
    Eternal sunshine of the spotless mind!
    Each pray'r accepted, and each wish resign'd;
    Labour and rest, that equal periods keep;
    "Obedient slumbers that can wake and weep;"
    Desires compos'd, affections ever ev'n,
    Tears that delight, and sighs that waft to Heav'n.
    Grace shines around her with serenest beams,
    And whisp'ring angels prompt her golden dreams.
    For her th' unfading rose of Eden blooms,
    And wings of seraphs shed divine perfumes,
    For her the Spouse prepares the bridal ring,
    For her white virgins hymeneals sing,
    To sounds of heav'nly harps she dies away,
    And melts in visions of eternal day."
 

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